
L’hiver à Séoul était extrêmement froid. Il était courant que la température tombe à moins vingt degrés. Dans ces cas-là, le fleuve Han gelait. J’étais logé dans une maison sur une hauteur, qui ne disposait pas d’eau courante. Nous tirions l’eau d’un puits si profond qu’il fallait une corde de dix mètres pour que le seau atteigne l’eau. La corde se cassait constamment, je trouvai donc une chaîne et l’attachai au seau. Cependant, chaque fois que je montais un seau plein, mes mains gelaient au contact de la chaîne et je ne pouvais les réchauffer qu’en soufflant dessus.
Mes talents pour le tricot furent utiles pour combattre le froid. Je me fis un chandail, des chaussettes épaisses, un bonnet et des gants. Le bonnet avait tant de classe que certains, en me voyant le porter en ville, me prenaient pour une femme.

Mes repas se composaient d’un bol de riz et, tout au plus, d’un plat d’accompagnement, alors qu’un repas coréen peut en comporter jusqu’à douze. Pour moi, c’était toujours un seul plat par repas. Un plat pour accompagner le bol de riz suffisait. Aujourd’hui encore, du fait de l’habitude prise lorsque je vivais seul, je n’ai pas besoin de nombreux mets d’accompagnement. Un seul me suffit, mais bien préparé. Quand je vois un repas accompagné de nombreux plats, je trouve cela gênant. Je ne déjeunais jamais lorsque j’allais à l’école à Séoul. Je m’étais habitué à ne manger que deux fois par jour lorsqu’enfant j’errais dans les collines et j’ai continué à vivre ainsi jusqu’à l’âge de trente ans.
Le temps passé à Séoul m’a fait réaliser la somme de travail nécessaire pour entretenir une maison.
Je suis retourné à Heukseok-dong dans les années 80 et j’ai été surpris de retrouver, toujours debout, la maison où j’ai vécu à cette époque. La pièce où je vivais et la cour où je faisais sécher mon linge étaient toujours là. Mais j’ai constaté avec tristesse que le puits auprès duquel je devais me réchauffer les mains en remontant les seaux d’eau, avait disparu.
Durant mon séjour à Heukseok-dong, j’avais adopté la devise : « Avant de vouloir maîtriser l’univers, commence par te maîtriser parfaitement toi-même ». En d’autres termes, pour avoir la force de sauver la nation et de sauver le monde, je devais d’abord entraîner mon corps. Je m’y employais par le sport, la méditation, la prière et d’autres exercices. Tant et si bien que ni la faim, ni les désirs charnels, ni toute autre pulsion ne pouvaient me déstabiliser. Au moment de manger, je disais : « Riz, je veux que tu deviennes l’engrais de l’œuvre que je m’apprête à accomplir. » J’appris la boxe, le football et des techniques d’autodéfense. De ce fait, même si j’ai pris du poids au fil des ans, j’ai gardé la souplesse d’une personne jeune.
La politique de l’école de commerce et de technologie Gyeongseong voulait que les étudiants assurent l’entretien de leur salle de classe à tour de rôle. Je décidai quant à moi de nettoyer chaque jour la salle de classe. Il ne s’agissait pas pour moi d’une sorte de punition. Cela exprimait un désir qui jaillissait tout naturellement de moi et qui était d’aimer l’école plus que quiconque. Au début, les autres étudiants cherchèrent à m’aider, mais ils s’aperçurent que je n’y tenais pas vraiment et préférais le faire seul. Mes camarades finirent par décider : « Vas-y, fais-le toi-même ! » Le nettoyage devint mon affaire.
J’étais un étudiant particulièrement silencieux. Contrairement à mes camarades de classe, je ne me lançais pas dans de vains bavardages et passais souvent la journée entière sans dire un mot. C’est peut-être pour cela que mes camarades me témoignaient du respect et agissaient avec prudence en ma présence, même si je n’avais jamais fait preuve de violence. Si j’allais aux toilettes et qu’il me fallait faire la queue, ils me laissaient immédiatement passer le premier. Si l’un d’eux avait un problème, j’étais souvent le premier à qui l’on demandait conseil.
En classe, je revenais sans cesse avec mes questions, lesquelles laissaient plus d’un professeur dans l’embarras. Par exemple, lorsque nous apprenions une nouvelle formule en mathématiques ou en physique, je demandais : « Qui est l’auteur de cette formule ? S’il vous plaît, donnez-nous une explication détaillée, afin que je la comprenne exactement. » Je ne cédais pas tant que je n’avais pas eu de réponse claire. Implacable avec mes professeurs, j’allais toujours au fond des choses. Je ne pouvais accepter aucun principe au monde tant que je ne l’avais pas disséqué et compris par moi-même. Je me surprenais à souhaiter être celui qui aurait découvert pour la première fois une si belle formule. Le caractère obstiné qui, petit garçon, me faisait pleurer toute une nuit, se manifestait aussi dans mes études. Tout comme pour la prière, je m’impliquais complètement dans mes études, y mettant toute ma sincérité et tout mon cœur.
Il faut entreprendre toute tâche avec sincérité et avec cœur, mais pas seulement un jour ou deux. Il doit s’agir d’un processus ininterrompu. Un couteau qui sert une fois et qui n’est jamais aiguisé finit par s’émousser. Il en est de même pour la sincérité et la ferveur. Nous avons besoin de poursuivre nos efforts au quotidien, avec l’idée que nous aiguisons notre lame chaque jour. Qu’importe la tâche, en persistant ainsi dans nos efforts, nous finirons par atteindre un état mystique. Si vous prenez un pinceau, à force de concentrer votre cœur et votre sincérité sur vos doigts, en vous disant : « Un grand artiste va sûrement m’assister », vous pourrez créer un tableau magnifique qui inspirera le monde.
En m’appliquant, j’ai appris à parler plus vite et plus précisément que n’importe qui. Dans une petite antichambre où nul ne m’entendait, je m’entraînais sur des phrases où la langue risque de fourcher. Je m’ingéniais à exprimer très vite ce que je voulais dire. Dans un laps de temps où d’autres ne pouvaient placer qu’un mot, j’arrivais à en prononcer une dizaine. Même maintenant, bien que je sois âgé, je peux parler à toute vitesse. Pour certains, je parle si vite qu’ils ont du mal à me comprendre. Mais mon cœur va si vite que je ne peux supporter de parler avec lenteur. Mon esprit déborde de tout ce que je veux dire. Comment ralentir ?

J'ai beaucoup aimé lire cette autobiographie de notre père ... J'ai eu à récolter beaucoup de conseil en lisant cela ... Et aussi , j'ai eu à ressentir beaucoup de chose que je ne pourrai expliquer à travers cette lecture ^^ . Merci infiniment 🙏🌻
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé lire cette autobiographie de notre père ... J'ai eu à récolter beaucoup de conseil en lisant cela ... Et aussi , j'ai eu à ressentir beaucoup de chose que je ne pourrai expliquer à travers cette lecture ^^ . Merci infiniment 🙏🌻
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